L'histoire de Rosa Enia
Si Rosa Enia m'était contée...
Vous allez vivre quelques heures, jours ou semaines en la demeure Rosa Enia. Ce texte vous aidera à mieux connaître son histoire.
Le professeur Joseph Grancher avait fait la connaissance à Arcachon, d'une famille de Camboars avec laquelle il s'était lié d'amitié. Invité à Cambo en visite, il apprécie le climat et les sites, y revient pour se reposer, s'en trouve très bien et décide d'y acquérir un domaine pour y construire sa résidence.
C'est ainsi que le 8 décembre 1894, deux ans environ après sa première visite, devant maître Fischer, notaire à Cambo, il achète à Mrs Marchand et Jauretche, les fermes Mignotenia et Legordia.
Entre temps, il a loué la maison Souberbielle, y passe les hivers, surveillant les travaux de construction de sa villa qui n'est terminée qu'au début de 1897. Fidèle à la tradition locale, c'est en l'honneur de son épouse Rosa, que Joseph Grancher nommera la demeure : ROSA ENIA ("Ma Rose" la mienne).
C'est une grande demeure, bâtie presque exclusivement par les entrepreneurs locaux : Hardoy, Harotchena, Haincuberro. Conçue dans le style traditionnel de l'époque avec cependant quelques rappels de l'architecture labourdine; grand balcon entourant le premier étage et colombages sur la partie haute du corps principal.
C'est en février 1898 que fut inaugurée en grande pompe la villa ROSA ENIA, "Melle Lafargue, de l'Opéra de Paris, y chante à cette occasion". La villa va servir de cadre à de nombreuses et brillantes réceptions.
Voici donc le Professeur Grancher installé à Cambo, dans cette vaste demeure, au milieu d'un grand parc que ceinture une boucle de la Nive. Comment est-il ? Comment vit-il ?
Ecoutons Paul Faure nous raconter sa première rencontre avec Edmond Rostand, elle se situe précisément dans le cadre de la Rosa Enia :
"Cette villa était chaque dimanche, un lieu de réunion. Dimanches lointains aussi présents que s'ils étaient d'hier ! Je revois encore les quatre salons, avec leurs profonds tapis, leurs larges fenêtres qui regardent la Nive, dont l'eau rapide, déchirée par les galets, tourne autour de l'Ursuya. Je sens leur odeur de tenture et de fleurs.
Le docteur aimait avoir du monde autour de lui. Il lui fallait la foule, l'encombrement.
Rien de plus facile que l'accès de sa maison. Quiconque arrivait à Cambo, allait automatiquement à Rosa Enia. On y voyait les gens les plus disparates : un général et un chef de gare, un prêtre et un franc-maçon. D'ailleurs, cette foule était divisée en trois compartiments : les étrangers si lon peut dire, qui causaient entre eux du temps, de leur santé, de leur hôtel et qui se montraient avec des regards de respect le maître de la maison; les gens du pays, vieux habitués de Rosa Enia qui chuchotaient en dévisageant les nouveaux venus. Enfin, à côté de la cheminée, le docteur dans le cercle fermé de ses familiers. Il était là, au milieu de sa cour, entre de jeunes femmes déférentes comme les dames d'honneur et des jeunes hommes attentifs comme des pages.
Son prestige venait de son intelligence, et aussi un je ne sais quoi de dédaigneux émanait de toute sa personne, d'une certaine façon de parler. Grand, osseux, une étrange figure en hauteur, une de ces têtes émaciées, totalement chauve, taillée disait-on dans de l'ivoire ou du buis, il faisait penser tout de suite à un homme de cloître. La bure, la corde, les socques, lui seraient allés à merveilles..."
A très bientôt pour la suite de notre histoire
Christophe MARGA